RAIL et MEMOIRE

RAIL et MEMOIRE

CHAUVET Jean

CHAUVET Jean

 

Ouvrier Ajusteur  NIMES (30)

 

Date de naissance : 11 septembre 1921

Lieu de naissance : NIMES (30)

Date de décès : 23 février 1944

Lieu de décès : VILLENEUVE SUR LOT  (47)  / EYSSES

Circonstances : Fusillé

 

 

Méthode de recherche Rail et Mémoire pour cette notice :

 

Relevé de la plaque de Nîmes

photo genweb

Site Internet : http://www.eysses.fr/index.html  pour les textes et  les photos

Le Maitron => Cheminots et Militants, un siècle de syndicalisme ferroviaire, sous la direction de Marie-Louise GOERGEN, Collection Jean MAITRON (Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Les Editions de l'Atelier, 2003

 

                                                               

Jean Chauvet

 « Né le 11 septembre 1921 à Nîmes (Gard), de Albert et RIVAREL Virginie, ajusteur à la SNCF, demeurant à Nîmes, célibataire, français d'origine non juif, condamné le 4 octobre 1941 par le tribunal militaire de la 15ème division, à 5 ans de prison, et 5 ans d'interdiction de séjour, pour propagande communiste »

 

Immatriculé sous le numéro 2497 à la centrale d'Eysses prés de Villeneuve sur lot : 

« L'HISTORIOGRAPHIE de la Résistance et de la déportation ne cesse - heureusement - de s'enrichir. Parmi les derniers ouvrages parus, il faut donner une place particulière au livre édité par l'Amicale des anciens d'Eysses, intitulé : « Eysses contre Vichy » (Editions Tirésias / Michel Reynaud. 222 pages, Commandes à l'Amicale, BP 6, 77590-Chartrettes). Eysses était une prison centrale sise non loin de Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne) où 1.200 patriotes avaient été incarcérés par les autorités de Vichy. Ils étaient de toutes opinions, mais les communistes y jouèrent un rôle unificateur primordial. Ils furent à l'origine - notamment sous la direction de Victor Michaut, l'un des organisateurs du Parti communiste clandestin après la débâcle, et futur membre du Bureau politique après la guerre - d'une action résistante de grande ampleur qui, à l'automne 1943, aboutit à une insurrection qui fut écrasée dans le sang par les forces répressives de Vichy aidées par les Allemands. Déportés pour la plupart au camp de Dachau, les prisonniers d'Eysses ont donné à la France un exemple de courage rarement égalé. Leur histoire doit être connue. » PIERRE DURAND.

http://www.humanite.fr/1993-03-22_Articles_-Eysses-une-insurrection-exemplaire

 

 « La prison d'Eysses tient une place particulière dans l'histoire des prisons de Vichy, non seulement en raison de sa représentativité quantitative et qualitative, mais aussi par son image. La propagande vichyssoise en fait successivement une centrale modèle, puis un bastion à réduire.  

  C'est dans ce contexte, que le 19 février 1944 Eysses est le théâtre de la plus ambitieuse tentative d'évasion collective (à mille deux cents), jamais tentée dans une prison de Vichy.

  Dès leur arrivée massive mi octobre 1943, les responsables des politiques entrent en contact avec la résistance extérieure pour préparer l'évasion. La solidarité et l'efficacité de l'organisation du collectif d'Eysses, imposent rapidement un projet d'évasion collective pour toutes les formations de résistance représentées dans la centrale, et ne se limite pas à une évasion des cadres. Mais la coordination avec l'extérieur (rendue difficile par le fait que plusieurs organisations de résistance travaillent sur le plan) ne fonctionne plus en janvier.

La réalisation du plan devient plus difficile d'autant que les forces d'occupation en ont eu vent et se tiennent en alerte. A l'intérieur, les Eyssois sont sur le qui vive, impatients d'agir, mués par une force collective rodée et efficace qui a déjà permis en décembre 1943 de triompher des GMR et des plans de Vichy. Après débat, la direction du Collectif se range derrière le plan proposé par le commandant Bernard, ancien des Brigades internationales: saisir la première occasion pour se rendre maître de la centrale de l'intérieur, puis avertir la résistance extérieure après maîtrise du central téléphonique. L'occasion saisie est la venue d'un inspecteur général dans la prison.

Le déroulement du 19 février

Le 19 février, après une réussite parfaite de la première partie du plan (entre 14 heures et 17

heures la direction est capturée et les détenus se rendent maîtres de la centrale en silence),

l'alerte est donnée vers 17 heures par une corvée de droits communs de retour dans la

détention ; or, la réussite du plan supposait la maîtrise de la prison en silence. S'engage alors

une bataille entre les détenus armés et la garde de la centrale qui se termine à 3 heures du

matin par la reddition des prisonniers sous la menace des forces d'occupation (appelées en

renfort) de faire sauter la centrale.

Le matin, les responsables des détenus sont avertis par un surveillant ami de la venue le jour

même de l'Inspecteur général de Vichy, cette nouvelle paraît comme une aubaine pour le

Comité directeur qui avait envisagé de trouver un moyen pour attirer le directeur jamais

présent dans la détention où il s'aventurait rarement. L'inspecteur fournissant un otage de

marque, ils décident de déclencher le plan prévu : il s'agit de capturer en silence l'ensemble

de la direction, inspecteur compris et tout le personnel. Les responsables des différents

préaux, un nombre très réduit de personnes, sont en alerte, prêts à entrer en action si

l'inspection commence par leur préau.

Vers 13 heures, un surveillant ami les avertit que l'inspection commencera au préau 1. Le

signal intérieur convenu dans ce préau est un lâché de mouchoir, qui doit annoncer le début

des opérations ; il est donné vers 13h30 par Pascal Fieschi, alors que l'Inspecteur général, le

directeur Schivo suivi du sous directeur, du gardien chef et de l'économe ont pénétré depuis

quelques minutes dans un chauffoir où se trouvent deux cents détenus et s'approchent d'une

fresque murale qui orne le mur. Très rapidement, les visiteurs se trouvent assaillis, ligotés et

bâillonnés sans avoir pu donner l'alarme. Suivant le plan concerté, les détenus capturent

simultanément dans tous les préaux, les surveillants de service, qui sont, comme tous les

otages, conduits et concentrés dans la chapelle, certains détenus revêtent leurs uniformes. La

grande majorité se laisse capturer sans sourciller non sans une certaine complicité avec leurs

« agresseurs » ; les armes camouflées dans les double-fonds des châlits de bois d'hommes de

confiance dans deux endroits du préau 2 sont rapidement sorties de leur cache. La première

partie du plan a alors pleinement réussi, les détenus sont maîtres de l'ensemble de la détention

jusqu'à la chapelle. Il s'agit maintenant de sortir après s'être assuré le contrôle du

central téléphonique pour prévenir les alliés extérieurs et celui d'une porte destinée aux

véhicules, située à l'arrière de la centrale, défendue par un mirador. L'entrée d'une corvée de droits communs accompagnés de surveillants vient contrarier ce plan.                                     A l'entrée de la chapelle, un détenu de droit commun s'étonne de voir un surveillant inconnu et un  mouvement anormal et crie ; le détenu revêtu du costume de surveillant, braque

son arme et met en joue le gardien, mais la mitraillette s'enraye et le coup ne part pas ; le

gardien a alors le temps de se replier et de donner l'alerte sans toutefois pouvoir refermer la

porte donnant accès aux bureaux administratifs. Des détenus se répandent alors dans le poste

de garde, capturent les gardiens qui s'y trouvent et s'emparent des fusils disposés à ce poste.

Pendant ce temps, le capitaine de garde accompagné d'un franc garde a rejoint le bureau situé

sur le côté gauche des bâtiments administratifs, muni d'une mitraillette, il ouvre

immédiatement le feu et prend en enfilade le couloir central desservant les locaux

administratifs, interdisant ainsi à la majorité des détenus, l'accès à la cour d'honneur dans

laquelle donne la seule porte permettant l'accès à la porte principale de la centrale. Au

moment où le commis greffier, M. Charpentier franchit les couloirs du greffe, il est tué par

une rafale tirée par le capitaine de garde. Alerté par les coups de feu, la garde extérieure met

en batterie des armes automatiques aux fenêtres des bâtiments d'entrée donnant sur la cour

d'honneur et commence à ouvrir le feu sur les locaux de détention.

Les groupes de choc, formés en particulier d'Espagnols ayant l'expérience du combat

pendant la guerre civile, après avoir sommé en vain les G.M.R. des tourelles de les laisser

sortir, tentent à plusieurs reprises de franchir les murs de l'enceinte extérieure en attaquant les

miradors à la grenade et à la mitraillette. Certains montent sur les toits, tirent à coups de

mitraillette sur les gardes pendant que d'autres, protégés par des matelas, tentent de monter à

l'échelle jusqu'au mirador. Toutes ces tentatives sont repoussées.

Vers 21 heures, les troupes d'occupation venues d'Agen (elles n'étaient pas présentes à

Villeneuve), alertées par Mme Schivo, entourent la centrale. Au nombre de 150 hommes,

munis de pièces d'artillerie, elles encerclent la centrale. Vers minuit, l'Etat major des détenus

tente de parlementer plusieurs fois par téléphone avec la préfecture, demandant au préfet de

les laisser sortir, arguant de la qualité des otages qu'ils détiennent ; ils essuient un refus.

Auzias dirige les négociations avec la préfecture en compagnie d'Aubert et de Raffini, afin

d'obtenir une reddition acceptable ; on libère alors le directeur Schivo qui confirme le

traitement correct dont il a été l'objet et relaie la demande des détenus auprès des autorités. Ils

se heurtent à un refus total. Tous les témoins insistent sur l'attitude particulièrement veule du

milicien, mort de peur et tentant de se justifier par toutes sortes d'attitudes mensongères et de

faire état de sa qualité d'officier français. Vers 3 heures, le commandant des troupes

allemandes lance par l'intermédiaire du commandant des gardes françaises Grat, un

ultimatum leur donnant un quart d'heure pour se rendre sans condition, faute de quoi ils

menacent de faire sauter la centrale. Les détenus demandent alors par l'intermédiaire du

directeur, un délai d'une heure pour regagner les dortoirs et déposer les armes (temps

nécessaire également pour faire disparaître un certain nombre de papiers compromettants),

Celui-ci ayant donné sa promesse d'officier qu'il n'y aurait pas de représailles. Ce délai est refusé. Les détenus libèrent alors les otages, rendent les armes (onze mitraillettes et huit

grenades) et regagnent leurs dortoirs, il est environ 4 heures du matin.

La bataille engagée se termine donc par la reddition des détenus, suite à la menace

d'encerclement de la centrale par les forces d'occupation. Ce sont les forces françaises :

préfet, sous-préfet et les différents chefs des forces du maintien de l'ordre (groupes mobiles

de réserve, gardes mobiles, gendarmes) qui viennent cependant à bout de cette rébellion.         Il y a un mort deux blessés graves, trois blessés légers du côté des détenus, un tué (le greffier

Charpentier fauché par les tirs du capitaine de garde), un blessé parmi le personnel

Pénitentiaire, seize blessés parmi les forces de l'ordre.

En se rendant rapidement et silencieusement maîtres de la détention, les détenus montrent

leur parfaite discipline, ainsi que leur connivence avec l'essentiel du personnel. En effet,

l'hostilité d'un grand nombre de surveillants aurait suffi à rendre impossible leur capture dans

le plus grand silence et fait échouer la première partie du plan.

  Cette évasion manquée du 19 février a un retentissement national : Joseph Darnand : le milicien secrétaire général au maintien de l'ordre, se rend en personne à Eysses et réunit une cour martiale qui condamne à mort douze résistants. D'autres détenus impliqués dans l'action du 19 février sont transférés à Blois d'où ils seront déportés. Le 30 mai 1944 les autres détenus d'Eysses sont livrés aux nazis.

Eysses, devient le siège d'une cour martiale désignée par le Secrétaire général au Maintien de l'Ordre et se transforme en prétoire sanglant destiné à juger les responsables de la « mutinerie ».

S'il y eut au total il y a eu environ 200 exécutions suite à des condamnations prononcées par des cours martiales entre janvier et août 1944, Eysses constitue un cas doublement particulier. D'une part les victimes présentent l'originalité d'être déjà des condamnés et aucune d'entre elles -ni même d'ailleurs parmi les prisonniers de la centrale- n'est inculpée en vertu de la loi du 20 janvier 1944 instaurant les cours martiales. Le seul exemple analogue concerne la maison d'arrêt de la Santé le 14 juillet 1944, encore concerne t-il des droits communs, suite à une mutinerie déclenchée dans le contexte d'une libération espérée comme imminente. D'autre part, Joseph Darnand se déplace en personne, décision qu'il explique lors de son procès : « persuadé que ma visite avait été un encouragement aux forces de police et que mes instructions allaient être suivies à la lettre […] c'est moi qui ait décidé que la cour martiale siègerait étant donné que les rebelles n'avaient pas remis toutes leurs armes ».

Si le rapport d'enquête indique qu'une caisse contenant cinq mitraillettes est retrouvée dans la cour de l'infirmerie, rien ne confirme la seconde affirmation. Il repart pour Vichy le lundi 21 février dans la matinée, après avoir exigé « cinquante têtes », les membres de la Cour martiale étant ensuite nommés en conseil de ministres. Il laisse sur place le directeur adjoint de l'administration pénitentiaire le milicien Maret, l'Intendant de police de Vichy Mino qui dirigent alors les opérations.  Cette justice expéditive au service d'une dictature répressive, livre ses victimes : douze fusillés condamnés à mort sur les quatorze amenés à comparaître. Ils sont immédiatement exécutés pour avoir « été reconnus comme ayant les armes à la main au cours de l'émeute ».Si tous les rapports officiels taisent l'attitude des condamnés, plusieurs témoins de l'exécution, parmi lesquels les membres du personnel de surveillance et le pasteur Féral, aumônier d'Eysses depuis 1906, qui consigne dans un carnet, quelques heures après l'exécution, le détail de ces heures dramatiques, sont touchés par leur mort courageuse. Citons C. Robert, désigné avec onze autres surveillants pour les accompagner : « Après la sentence, les condamnés ont entonné la Marseillaise, tout le monde était au garde à vous et les G.M. ont présenté les armes. Auzias a pris la parole déclarant notamment : « Nous allons mourir en braves pour vous tous, pour sauver la liberté et surtout pour la libération de la France ». A nouveau ils ont chanté des chants patriotiques puis ont demandé d'écrire (enchaînés). Le lieutenant leur a donné cinq minutes montre en mains pour terminer. Auzias a demandé à parler à Schivo et lui a reproché de ne pas avoir tenu parole. Chauvet a fait remarquer aux G.M. et G.M.R. le crime qu'ils allaient commettre en tirant sur des Français. Ils ont refusé qu'on leur bande les yeux disant qu'ils savaient mourir en Français et voulant voir leurs assassins ».

 Tous les témoins soulignent le courage de ces hommes qui parviennent à transformer ce moment ultime de leur vie en une manifestation de Résistance patriotique, en affirmant qu'ils meurent pour la France. La condamnation d'Auzias constitue déjà une projection dans l'avenir, celle de la France libérée où les serviteurs de Vichy auront à rendre des comptes.

 

Notice Maitron

 

CHAUVET Jean. [Gard]

Né le 11 septembre 1921, fusillé à la Centrale d'Eysses (Lot-et-Garonne) en

février 1944 ; cheminot ; résistant dans le Gard.

Jean Chauvet, apprenti de troisième année au dépôt des machines de Nîmes (Gard), avait été admis au cours supérieur d'apprentissage. Recherché par la police pour ses activités dans la Résistance, il dut quitter son foyer le 10 mars 1941 et entra en clandestinité. Arrêté le 16 juillet 1941 à Racoules (Gard), il fut incarcéré à la prison de Mende, puis de Nîmes. Le 11 septembre 1941, jour de son vingtième anniversaire, il fut transféré au fort Saint-Nicolas à Marseille. Le 4 octobre 1941, il fut condamné par la Cour spéciale à cinq ans de prison et ramené le 24 décembre 1941 à la centrale de Nîmes. Le 14 octobre 1943, il quitta la centrale de Nîmes pour être transféré à celle d'Eysses, où il allait retrouver son père, Albert-Louis Chauvet. C'est en chantant la Marseillaise que les détenus, entassés dans des camions, traversèrent la ville de Nîmes le 11 octobre 1943 et les gares de leur passage.

L'un des fondateurs du « collectif patriote » de la Centrale de Nîmes, qui comprenait près de 150 résistants, Jean Chauvet fit partie du collectif créé à Eysses et y enseigna les mathématiques. Il y fut fusillé en février 1944.

SOURCE : Maurice Choury, Les Cheminots dans la Bataille du Rail, Paris, Librairie académique Perrin, 1970, p. 248-249.

Marie-Louise Goergen



08/10/2009
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