RAIL et MEMOIRE

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LAISSY Antoine Jean

                                

 

LAISSY Antoine Jean

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Homme d’équipe à CHATELLERAULT (86)

 

Date de naissance : 11 octobre 1894

Lieu de naissance : Haute Kontz (57)

Date de décès : 25 aout 1944

Lieu de décès : Chatellerault (86)

Circonstances : Fusillé

 Méthode de recherche Rail & Mémoire pour cette Notice

Relevé de la plaque de gare de Chatellerault

 Contact famille : sa petite fille Evelyne Gaudin , avec tous nos remerciements pour son aide

 

 

    BIOGRAPHIE D’ANTOINE LAISSY (1894 – 1944)

 

                                     Antoine, Jean Laissy est né le 11 octobre 1894 à Haute Kontz ou Oberkontz comme on dit à l’époque où cette région du département de la Moselle est allemande depuis le Traité de Versailles de 1871. Il est l’avant dernier d’une fratrie de sept, deux filles et cinq garçons dont deux mourront en bas âge. Ses parents, Jean Laissy et Catherine Schwenck sont meuniers et cultivent quelques terres surtout des vignes dans les pentes bien exposées le long de la Moselle.

                                      Il fréquente l’école du village où il apprend à lire et à écrire en allemand. A la déclaration de guerre en août 1914, il a à peine 18 ans. Il est aussitôt incorporé dans l’armée allemande. Il connait toutes les horreurs de la guerre et est blessé à la poitrine par un éclat d’obus ; il en gardera toujours des séquelles. Son frère aîné, Antoine, qui porte le même prénom, sert comme matelot dans la Kriegsmarine ou la marine de guerre allemande. Son autre frère, Nicolas, est brancardier dans les services sanitaires et termina le conflit dans un hôpital à Berlin. Après la défaite allemande en 1918, la France récupère l’intégralité de l’Alsace et de la Lorraine. Antoine doit se mettre à parler français et il aura beaucoup de mal à le lire et à l’écrire comme tous ceux de sa génération. La correspondance familiale continuera de se faire en allemand et il lit l’édition allemande du journal local, le Républicain Lorrain. Le 03 mai 1920, il se marie à Rettel, une commune de l’autre côté de la Moselle, avec sa cousine germaine Catherine Schwenck, qui n’est autre que la fille du frère de sa mère, Mathias Schwenck. Dès qu’ils ont un peu d’argent, ils achètent une maison et quelques terres dans un écart de Rettel appelé la Klentsch. Il continue le métier qu’il avait appris avec son père, cultivateur. Ils auront très vite un enfant, un garçon prénommé Marcel en 1921, puis un autre garçon Etienne en 1922 et encore un autre, René en 1924. Suivront deux filles Henriette en 1925 et Annie en 1927.  Ils auront le chagrin de perdre une autre fille le lendemain de sa naissance en 1933.

                                            Dans les années trente, il doit travailler à l’extérieur car les terres ne sont  pas assez importantes pour faire vivre la famille. Il va alors se faire embaucher dans le chantier gigantesque de la construction de la Ligne Maginot à une quinzaine de kilomètres de chez lui. Ses fils aînés l’accompagneront par la suite lorsqu’ils auront l’âge de travailler. A cette époque, beaucoup d’hommes de son village travaillent pour les Chemins de fer,  il décide alors de faire une demande. Il signe son contrat le 16 août 1938 et est affecté à la gare de Florange. La même année, son deuxième fils, Etienne s’engage dans la Marine, le 06 avril, et part pour Brest. L’année suivante en août 39, la guerre devient une nouvelle fois inévitable. Le 1er septembre, l’Etat enclenche la mise en place du système de défense en évacuant tous les villages frontaliers afin de protéger la population civile. Antoine reste à son poste, considéré comme indispensable. Par contre, pour sa femme, Catherine  et leurs quatre enfants commence un voyage long et périlleux. Partant au départ avec les chevaux et les charrettes, ils doivent tout abandonner pour monter dans des trains qui les amènent finalement  dans le Poitou. La guerre est déclarée le 3 septembre et ils arrivent en gare de Châtellerault dans la Vienne, le 5. Ils sont accueillis dans une commune limitrophe, Thuré où on leur affecte des logements vides plus ou moins salubres.

                                                Pendant ce temps, Antoine continue  son travail de cheminot et une partie de son salaire part directement à Thuré pour faire vivre sa famille. Le 22 juin 1940, l’armistice est signé entre les deux pays et l’Allemagne annexe à nouveau les régions de l’Alsace et une partie de la Lorraine. Pendant l’été 40, Marcel, le fils aîné décide avec un copain de se rendre en Moselle à vélo. Il n’ira pas plus loin que Florange où il rencontre cependant son père. Ce dernier lui avoue qu’il ne veut pas continuer à travailler pour les allemands et qu’il va les rejoindre à Thuré. A l’automne 1940, la plupart des évacués repartent chez eux. Antoine, lui, fait le chemin inverse. Il demande sa mutation à la gare de Châtellerault, qui est acceptée. La famille se trouve à peu près réunie à la fin de l’année, sauf Etienne qui est à Bizerte en Tunisie, toujours dans l’armée française. Il ne les rejoindra à Thuré que l’année d’après, en 1942 lorsque les allemands auront conquis l’ensemble de la Tunisie et qu’il sera alors démobilisé. Il reviendra en train traversant l’Italie et une bonne partie de la France. 

                                                                                                                                                                                                         La vie s’organise du mieux possible. Le père travaille toujours pour les Chemins de fer et les enfants se louent dans les fermes ou dans des usines. Antoine est souvent convoqué à la Kommandanture où on lui demande pourquoi il ne retourne pas en Lorraine et pourquoi ses fils ne sont pas dans l’armée allemande. A chaque fois, il tient bon et refuse que ses fils soient enrôlés. Un jour, il repartira  plutôt bousculé avec un coup de pied dans le postérieur. 

En 1944, la fin de la guerre est proche et les évènements se bousculent.

Des bombardements par les forces alliées ont lieu en juin et en août visant la gare et la forêt où sont cachées les réserves de carburants allemands. Certains châtelleraudais viennent dormir dans les villages aux alentours pour se mettre à l’abri. C’est le cas de Roger Rochon qui vient souvent passer ses nuits à Thuré.

 

Ce 25 août 1944, la tension est à son paroxysme, les allemands déguerpissent et rassemblent leurs affaires. Antoine vient de finir son travail et rentre chez lui. Pour plus de sécurité, il emprunte les petites rues du centre ville  au lieu de prendre le grand boulevard comme il en a l’habitude. Dans la rue Sully, il voit Roger Rochon qu’il connait vaguement et Maurice Lépine en prise avec des allemands. Il s’arrête et veut servir d’interprète. Apparemment, les deux hommes sont venus chercher le reste d’une machine à coudre que l’armée d’occupation leur avait donnée en guise de paiement pour un travail que Roger Rochon avait fait pour elle. Mais entre temps, les militaires ont changé. Ce ne sont plus les soldats de la Wehrmacht mais une troupe de soldats « SS ». Ces derniers accusent tout simplement les français de piller l’armée allemande et ils ne sont pas du genre à discuter. Un témoin raconte qu’un des hommes essaient de se  défendre. Il s’agit très certainement d’Antoine qui veut expliquer les faits mais cela ne fait que renforcer la colère des soldats, furieux de voir un lorrain resté dans le Poitou et non reparti chez lui. Ils font alors venir un autre homme, Georges Besseron qui regarde la scène du pas de sa porte avec son fils dans les bras. Ils lui font lâcher l’enfant et emmènent les quatre hommes dans un coin de l’impasse des Cordeliers pour les exécuter froidement avec une balle dans la nuque. Il est 13 h 30.

  Les cadavres sont jetés sur un tas d’immondices et on raconte que les soldats sortirent de quoi manger de leur musette et prirent tranquillement leur déjeuner assis sur une murette. Les Pompes Funèbres auront l’ordre d’aller chercher les corps, ce qu’elles feront vers 18 h. Les familles sont prévenues. Etienne et sa sœur Henriette ont la terrible mission d’aller reconnaître le corps de leur père, Antoine, à la morgue de l’hôpital de Châtellerault. On lui a déjà volé sa montre et son vélo. Il allait avoir 50 ans et pour lui la vie était finie. Il est enterré dans les jours suivants, provisoirement dans le cimetière de Thuré.

  Le 06 septembre, la ville de Châtellerault est libérée. La joie est immense. Catherine Laissy, la veuve d’Antoine repartira à l’automne 1945 avec 4  enfants seulement, Etienne ayant décidé de rester dans le Poitou pour se marier avec une fille du pays. Le retour en Lorraine après six longues années d’absence est difficile. La maison est détruite, tout est à reconstruire.

   Antoine Laissy est déclaré « mort pour la France » le 12 décembre 1945 par le Secrétariat des Anciens Combattants. Il est également promu à titre posthume au grade d’adjudant par décision du Secrétariat d’Etat aux Forces Armées le 18 janvier 1949. Son corps ainsi que celui de son père, Jean Laissy mort en 1940 à Naintré seront rapatriés en Lorraine et inhumés dans le cimetière de Sierck-les-Bains. En 2004, sa fille Henriette demande à la mairie de Châtellerault à ce qu’une plaque soit apposée à l’endroit de l’exécution des quatre hommes. Cette plaque sera inaugurée à l’occasion des festivités du soixantième anniversaire de la libération de la ville le 4 septembre 2004.

   Ce crime reste à ce jour impuni malgré l’enquête approfondie menée par le procureur général de Dortmund, Ulrich Maas en 2009. Il semblerait que ce soit les mêmes soldats qui seraient à l’origine le même jour, le 25 août 1944, du massacre des 124 civils à Maillé (37) et des quatre exécutions soit le 17ème bataillon SS basé à Châtellerault. Cette unité était composée de 800 jeunes soldats de 16 à 18 ans qui sont maintenant pour la plupart morts ou très âgés.



19/06/2013
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