BELOT Louis
BELOT Louis
photo BAVCC de Caen
Facteur Chef ETANG sur ARROUX (71)
Date de naissance : 25 octobre 1907
Lieu de naissance : HYDS (03)
Date de décès : 23 avril 1944
Lieu de décès : ETANG sur ARROUX (71)
Circonstances : Mort sous la torture
Méthode de recherche Rail & Mémoire pour cette notice :
Le Maitron => Cheminots et Militants, un siècle de syndicalisme ferroviaire, sous la direction de Marie-Louise GOERGEN, Collection Jean MAITRON (Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Les Editions de l'Atelier, 2003
Recherches de Gérard SOUFFLET (Saône & Loire)
EXTRAIT du BULLETIN MUNICIPAL
de Commémoration
de la Mairie de ETANG sur ARROUX
Avec tous nos remerciements
Comme annoncé dans l'éditorial de ce bulletin, nous relaterons deux événements tragiques qui eurent lieu à Etang-sur-Arroux il y a 50 ans : l'arrestation de 13 patriotes le dimanche 23 avril 1944 et le massacre de 4 jeunes polonais du maquis le 12 août.
Répétons que les récits de ces atrocités n'ont pas pour but d'entretenir la haine : il s'agit seulement et ardemment de préserver l'avenir et de rejeter à jamais les actes de barbarie.
Deux plaques commémoratives apposées, l'une contre le mur de
Monsieur Michel Vi/lard, auteur de l'ouvrage fort documenté «Ombres et lumières de l'Occupation et
Notons dès maintenant que Monsieur Villard donnera prochainement à Etang une conférence au cours de laquelle il évoquera les événements malheureux des années sombres de /'Occupation.
Une exposition de documents relatifs à la libération d'Étang et aux combats de Fontaine-la-Mère sera organisée début septembre.
Toutes les personnes qui voudront bien prêter objets, écrits, souvenirs divers,
se rapportant à ce passé voudront bien se faire connaître à
NUIT TRAGIQUE A ETANG
«La parole est d'argent, mais le silence est d'or». Durant les sombres années de l'Occupation, la pratique de cette maxime aurait sauvé bien des vies face aux agents provocateurs de la milice et de
En ce début du mois d'avril 1944, un jeune Autunois, membre de
Copain du collège
«Quel sot, pensait-il, les chefs seront contents. Voilà des renseignements recueillis sans risque de fatigue».
Les fesses calées dans les fauteuils de l'autocar, l'autre, afin de convaincre Joseph de l'efficacité de
- Farouelle, receveur des postes à Étang;
- Bélot, facteur chef de
- Lhoste, sous-chef de gare.
Décidément la chance était du côté de
Quand, après l'opération, Stucklick, agent de
«Ah, des Français comme Joseph il en faudrait beaucoup...»
En effet, la guerre tournait mal pour le Grand Reich allemand. Sur le front de l'Est, l'Armée rouge
victorieuse à Stalingrad, commandée par Joukov, atteignait
groupes de bolcheviques terroristes, et ce, dans toutes les classes de la société. Heureusement Pétain et ses adeptes abattaient enfin leurs cartes
«La vie n'est pas neutre, elle consiste à prendre hardiment parti...» déclarait le chef de l'Etat à Lille, appelant à collaborer avec l'Allemagne nazie.
Discours complété par Philippe Henriot, dénonçant : «la radio Judéo-bolchevique de Londres et d'Alger...
Tandis que le zélé Jean Harold Paquis tonnait «la guerre commence côte à côte avec
Journaux provinciaux
Chauffés à blanc, les journaux provinciaux reprenaient ces thèmes. On pouvait lire dans l'indépendant du Morvan
«Des bandes de hors-la-loi font régner une terreur infâme...» Lui répondait l'écho du Morvan Républicain
«La répression continue sur l'ensemble du territoire français sans défaillance... l'action combinée de la police et de la gendarmerie a permis de mettre en Bourgogne 220 terroristes hors d'état de nuire...»
Presse dévoyée, qui exaltait l'offensive générale sur les patriotes en ce printemps. Dans l'Autunois, rafles et attaques contre les maquis se succédaient, l'ordre devait régner. L'anesthésie de la propagande vichyssoise ne suffisait plus. Le sous-préfet milicien d'Autun, Augé, collaborait totalement avec les autorités allemandes. Pour ce travail, il pouvait compter sur la milice locale. Coiffés par Mathis, pharmacien de Bourbon-Lancy, leurs meilleurs éléments étaient des jeunes venus du collège ou des équipes nationales trompés par la politique de collaboration du Maréchal. Avec d'autres mouchards, ce fut l'un d'entre eux qui vint en éclaireur à Etang
«... à son retour d'Etang, la grand jeune homme blond, tête nue, en culotte verte, était directement entré à
Le sous-chef de gare d'Etang, ayant trouvé suspecte la présence et le manège de certains voyageurs inhabituels, les avaient fait filer. Le doute n'était plus permis. Il se tramait quelque chose, mais quoi et contre qui ?
Les gardes et leur prisonnier s'engouffrent dans deux voitures qui stationnent devant les bâtiments. Elles s'arrêtent un peu plus loin, à
Lhoste est propulsé dans la salle à gauche de l'entrée, et atterrit au milieu de plusieurs camarades accroupis sur le parquet, arrêtés en même temps que lui : Cordonnier, Bélot, Chevrier, Lhoste, Lévêque, Badet, Lapray, Rousseaux et Godillot, sont réunis, bilan de la première fournée.
«.., Tabassé, torturé en premier, le plus faible de notre bande avait été d'entrée remarqué, les Boches s'en servirent pour apprendre des précisions sur notre affaire».
Dès le début, les Allemands mettent la main non pas sur trois hommes mais sur une organisation, ils jubilent. Devant cette Mairie, aux volets clos, environnée de sentinelles, sont garées une dizaine de voitures. A l'intérieur l'horreur s'installe très vite. C'est d'abord un interrogatoire de routine, un contrôle d'identité, mais dont les coups ne sont pas exclus. Une liaison téléphonique relie les «agents du maintien de l'ordre» à
«... les interrogatoires sérieux commencent, les acteurs principaux sont en armes, avec leurs «grands moyens», plusieurs civils, espions et interprètes en armes également y assistent...» Les «grands moyens» sont appliqués dans une autre salle. Les uns après les autres, mais à des degrés divers, tous subissent d'odieuses tortures physiques. C'est le tour des deux chefs présumés, Lhoste et Bélot.
La torture
Nous fûmes tous les deux déshabillés et pendus à leur façon soutenus sous le ventre par un gros rondin de bois, le postérieur en l'air, les cheveux traînant sur le plancher... Nous avons le malheur de nier, une violente pluie de coups de gourdins nous écrase les reins... hurlements... deux teutons nous enfoncèrent alors un morceau d'étoffe dans la bouche. Placés chacun devant nous, ils nous tenaient fortement la tête entre leurs genoux... le sinistre Stucklick frappait fort avec son gourdin... - Voulez-vous causer maintenant ?
... Notre sueur marquait le plancher. Harassé de frapper, Stucklick fit une pause, deux autres «boches» le remplacèrent... Avec une balayette qu'ils trempèrent dans le cendrier du poêle ils nous frictionnèrent brutalement les lèvres ensanglantées... Puis laissés suspendus ainsi encore une heure, pris de fièvre, les postérieurs hachés... Ils nous placèrent alors les cendres rouges de leurs cigarettes dans l'anus, et tous ces juges imitaient le mouvement...
... et, dernière inspiration, ils nous placèrent des papiers enflammés sous les pieds. Ce procédé final dut les fixer. Aucune réaction, nous étions «kapouts»... relatera après la guerre Lhoste, dans ses souvenirs de Déporté, «Une fois de plus» imprimé sur les presses du Courrier de Saône-etLoire.
Lhoste et Belot, murés dans un silence inhumain, écrasés par la souffrance, sont dépendus par les brutes galonnées allemandes et françaises. Ils ne réagissent plus. Belot est roulé dans une vieille couverture, Lhoste recouvert de la blouse du secrétaire de Mairie, et tous deux poussés dans un coin de cette salle de torture municipale.
Mais les «grands moyens» ne cessent pas pour autant ; maintenant ils les appliquent aux autres terroristes et tout particulièrement au plus malléable, le benjamin. Plus il cède plus ils le torturent pour en savoir encore plus. Il révèle encore trois noms Melin, Pillot, Locques. Effrayé de douleur, il en arrive même à faire des révélations si incohérentes qu'elles égarent les sbires de Goldberg. Ce dimanche soir, à la prison de Chalon, alors qu'il sera aligné contre un mur avec ses camarades de souffrance, il s'écroulera soudain à la renverse, dans une mare de sang. Lâche, diront certains. C'est vite dit, pour qui n'a pas subi «les grands moyens», l'odieuse et douloureuse torture physique ! Rares sont les êtres d'exception qui y résistent. En général l'évanouissement ou la mort sont les bienvenus. Cette torture, qui, si elle humilie et souvent rend fou ceux qui la subissent, ravale au rang d'animaux sauvages ceux qui la pratiquent. Ce jeune homme mourra d'ailleurs sous les coups en camp d'extermination, martyr, comme tous ses camarades, de la barbarie nazie et de la collaboration du gouvernement de Vichy.
A Etang, il est maintenant 7 h du matin, le jour s'est levé, peu de personnes soupçonnent le drame. Les allées et venues de voitures ont bien inquiété quelques habitants, mais seules les familles des résistants sont au courant. Pour prévenir l'intervention d'un maquis, des barrages allemands contrôlent les routes d'accès. Les abords immédiats de la mairie sont totalement interdits et des rafales sont tirées en l'air pour intimider la population.
Pillot et Melin sont cueillis vers 7 h et demie. Au même moment, deux voitures de
- Tu connais ces gens-là ?
- Non...
- Non ? La trique va parler pour toi...
Hurlements étouffés
Et voilà le malheureux tiré dans la pièce aux tortures. Il aperçoit deux formes étendues dans un angle, l'une inerte, l'autre gémissante, remue faiblement. Mais il n'en voit pas plus, déjà les tortionnaires le jettent en travers d'une table et commencent les «grands moyens»...
Hurlements vite étouffés par un tampon, sang, douleurs immenses : «mes fesses éclatées auront des plaies de la largeur d'un pouce...» Jean Locques, costaud, dur à la peine, résistant à la douleur ne révèle rien. Ni la cache des 20 mousquetons récupérés en 1940, ni ses rapports avec le maquis Socrate par l'intermédiaire de l'adjudant-chef Markart.
Dans cette mairie tragique, ils seront bientôt treize. Goldberg, bien renseigné par des gestapistes français de Montceau-les-Mines, va compléter son coup de filet. Il monte, en ce moment, au petit village de Dettey, pour y surprendre l'instituteur Collin et le ramener à Etang.
A la mairie, Lhoste : « J'arrivai à toucher son visage malgré les menottes qui me sciaient les poignets... il était froid. Belot était bien mort et j'étais le seul témoin de ce premier drame... Il pouvait être neuf heures... Les Boches organisèrent le départ, 13 prisonniers, le chiffre dépassait leurs prévisions... Ils étaient venus au pays, ne connaissant que le nom de trois chefs du groupe. Farouelle adroitement renseigné avait pu s'enfuir...»
Pour transporter leurs captifs, les tortionnaires prennent un camion de Lapray et réquisitionnent le chauffeur Mittoux. A onze heures du matin, onze prisonniers descendent péniblement les marches de la mairie, et leurs gardiens les jettent sur le plancher du camion. Puis deux corps enveloppés de couvertures sont déposés à l'arrière d'une traction. Il s'agit de Lhoste et de Belot, le premier gémissant, comateux, couvert de plaies, le second déjà raidi dans la mort, assassiné. De loin, ou cachée derrière les volets, la population terrifiée observe impuissante. Le convoi, composé de onze véhicules, fonce alors sur Chalon après avoir traversé Autun.
Jean Locques raconte que dans les passages dangereux, boisés, où des embuscades risquaient d'être tendues, les moteurs stoppaient et les éclaireurs partaient vers l'avant leur ouvrir la route. Preuve, s'il en fut, que dès avril
Treize patriotes
Voici les noms de ces treize patriotes : Paul Badet, forgeron, relâché après 15 jours à la prison de Chalon - Louis Belot, facteur chef, mort sous les tortures et dont le corps ne fut jamais retrouvé - Collin, instituteur - Maxime Chevrier, mort en déportation - Georges Cordonnier, mécanicien, déporté - Godillot, cheminot SNCF, relâché après 15 jours - Paul Lévêque, hôtelier, relâché après 15 jours de prison, Pierre Lhoste, sous-chef de gare, déporté - Jean Locques, commis de ferme, déporté - Olivier Melin, mort en déportation - Gérard Pillot, maçon, mort en déportation - Jean Rousseaux, déporté.
Tous furent battus et torturés à des degrés divers, quatre eurent donc la chance extraordinaire d'être relâchés après 15 jours d'angoisse. Pour les autres, le chemin de croix continuait. La torture, les coups, la faim, la soif, la maladie, seront désormais leurs compagnons, jusqu'à la délivrance des camps de la mort par les Alliés en 1945. Ceux qui en revinrent étaient des squelettes avec des souvenirs terrifiants.
* * *
Transcription du procès-verbal n°158, du 11 juin 1945
de la brigade de gendarmerie d'Etang-sur-Arroux
Source : Service Historique de la Défense
Archives de la gendarmerie
Cote – 71 E 480
Renseignement judiciaire sur les agissements de STUCKLIK et WEBER, interprètes au service des allemands.
Le gendarme DUMONT, François, … ayant appris que M. LHOSTE (Pierre), agent de
M. LHOSTE (Pierre), 43 ans, facteur-enregistrant A
"Depuis l'hiver 1942, je faisais partie d'un groupe de résistance à Etang/Arroux.
Le 23 avril 1944, vers 2 heures, j'étais au lit lorsque j'ai entendu frapper à ma porte. Je me suis levé aussitôt et j'ai demandé avant d'ouvrir qui était là. Il m'a été répondu : "Ici Feldgendarmerie, ouvrez tout de suite." J'ai bien été obligé d'obéir, et je me suis trouvé en présence de l'agent de
STUCKLIK m'a ordonné de m'habiller et de le suivre, tout en me faisant connaître qu'il m'arrêtait parce que j'étais chef de terroristes et de communistes.
Après m'avoir passé les menottes, on m'a conduit en mairie d'Etang, où l'on m'a tout d'abord fait asseoir sur le plancher d'une salle de réunions située à gauche du vestibule, en entrant.
Quelques instants après, j'ai vu arriver mon camarade BELOT (Louis), manœuvre, demeurant à Etang/Arroux, qui venait d'être arrêté dans les mêmes conditions que moi, pour les mêmes motifs.
STUCKLIK nous a fait passer tous les deux dans la salle du secrétariat où nous avons subi un bref interrogatoire de sa part. Il nous a demandé s'il était exact que nous faisions partie de
A cet interrogatoire y assistaient les interprètes WEBER et SCHNEIDER, membres de
A toutes les questions posées, nous avons répondu négativement.
STUCKLIK a donné des ordres aux allemands à notre sujet. Ceux-ci ont commencé à nous attacher les poignets au bas des jambes. Puis, après avoir passé un bâton entre nos poignets et nos jambes, ils nous ont suspendus, la tête en bas, chaque extrémité du bâton reposant sur le haut du dossier d'une chaise. Auparavant, ils avaient rabattu notre pantalon.
C'est alors que STUCKLIK et WEBER ont commencé à nous torturer.
Ils nous ont frappé sauvagement à l'aide d'un rondin de la grosseur du poignet, sur toutes les parties du corps, principalement du bas des jambes jusqu'à hauteur de la taille. Parfois, ils nous frappaient sur la tête. Pour étouffer nos cris de douleur, les gendarmes allemands appliquaient sur notre bouche un tampon d'étoffe.
De temps à autre, ils arrêtaient de taper et demandaient si nous étions décidé à parler. Mais chaque fois nous répondions n'avoir rien à dire et la scène reprenait avec la même fureur.
Vela a duré environ 30 minutes. Au bout de ce laps de temps, STUCKLIK et WEBER se sont retirés pour continuer leurs perquisitions ailleurs et jusque dans les dépendances de la gare.
Pendant leur absence qui a duré 2 heures, peut-être plus, nous sommes restés, BELOT et moi, dans la même position.
Parfois, les gendarmes allemands s'approchaient de nous et nous versaient la cendre enflammée de leurs cigares dans l'anus et s'emparaient d'une balayette qu'ils trempaient dans le cendrier du poêle pour nous la passer sur les dents.
Lorsque STUCKLIK et WEBER sont revenus, toujours furieux, ils nous ont demandé si nous avions réfléchi et si nous étions disposé à parler. Sur notre refus, ils ont recommencé à nous frapper durement, toujours avec le même rondin, qu'ils se passaient de main en main, à tour de rôle.
Au bout d'un quart d'heure, j'avais à peu près perdu connaissance. Je me rappelle pourtant qu'ils ont renversé à coups de pied leur installation de supplice. Nous sommes tombés sur le plancher où nous sommes restés liés. J'observais mon ami BELOT, qui ne faisait aucun mouvement. Je m'efforçais de l'imiter.
A un certain moment, nous croyant morts peut-être, les gendarmes allemands ont délié les bras de nos jambes, tout en nous laissant les menottes. Puis ils nous ont enveloppé chacun dans une couverture et transportés dans une pièce contiguë à la salle du secrétariat.
Restés seuls, j'ai tenté de causer à BELOT qui ne m'a pas répondu. Je me suis approché de lui ; je l'ai touché et j'ai constaté qu'il était mort.
On nous a laissés dans cette petite pièce jusqu'à 13 heures environ ; heure à laquelle on nous a chargés, toujours enveloppés dans nos couvertures, dans une automobile, conduite intérieure.
Nous avons été transportés à Chalon/Saône, dans un local de
Vers minuit, on m'a conduit à la prison et j'ignore à partir de ce moment ce que l'on a pu faire du corps de BELOT.
Je suis resté emprisonné dans une cellule pendant 60 jours à Chalon, puis transféré dans un camp à Compiègne. Le 14 juillet 44, j'ai été dirigé sur le camp de concentration de Neuengamme, en Allemagne, puis à Dachau et dans différents autres camps de la même espèce.
Libéré, je suis rentré à Etang le 2 juin dernier."
Lecture faite, persiste et signe.
Plaque Mairie Etan
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