RAIL et MEMOIRE

RAIL et MEMOIRE

DELECLUSE Paul

DELECLUSE Paul

 

Aide-ouvrier aux ateliers d'HELLEMMES (59)                    

Service Matériel et Traction

 

 

Date de naissance : 31 octobre  1910,

Lieu de naissance : ASCQ  (59)

Date de décès : 07 Juin 1944

Lieu de décès : Fort de SECLIN (59)

Circonstances : Fusillé

 

Méthode de recherche Rail & mémoire pour cette notice :

Mémoire cheminote en  NORD PAS DE CALAIS  édité par le CE 

Site Internet http://beaucoudray.free.fr/ascq2.htm                                                    

Site Internet http://www.villeneuvedascq.fr/ascq/massacre.htm

  

Membre de la commission administrative du syndicat d'Hellemmes,

Membre de «Voix du Nord », de WO et du réseau «Alliance »,

Condamné par le tribunal militaire allemand de Lille le 21 avril 1944 (suite à l’affaire d’Ascq).

Voir texte intégral sur le lien http://beaucoudray.free.fr/ascq2.htm                                                    

Fusillé au fort de Seclin le 7 juin 1944.

 

 

 

« Le deuxième transport d'armes provenant d'un parachutage effectué dans la région d'Avesnes arriva donc à Ascq un jour de février 1944 ayant à son bord Maurice Pauwels, Départemental Voix du Nord, Maurice Ormeray son agent de liaison, Stéphane Dewerck et Mangé qui résidait depuis quelque temps à Ascq chez Mile Cools. Le camion prit la direction de la nationale 352 en direction de Lesquin pour s'engouffrer quelques mètres plus loin dans un hangar agricole appartenant à la Maison Castelain, situé juste derrière le jardin de l'habitation de Mlle Cools. Le soir, un système de guet fut mis en place pendant que les membres du groupe Ascquois transportaient le précieux chargement. Une heure à peine a suffi aux participants, Delécluse, Gallois, Lelong, Monnet, Leveau, André et Daniel Depriester pour décharger les quelque 1 500 kg d'armes et explosifs, les passer au-dessus du mur d'enceinte du jardin et les entreposer dans la cave de Mlle Cools. Le lendemain après-midi Isidore Deconninck venait aider Gallois et Vartel pour le triage, le rangement et le relevé d'un matériel important pour l'époque : 63 mitraillettes, 18.000 cartouches, des pistolets individuels et des rouleaux de dynamite T.N.T. Propriété du Mouvement Voix du Nord l'administration de ce dépôt fut confiée à Paul Delécluse. Lorsque deux mois plus tard il sera arrêté, la répartition était presque terminée. Lors de leur perquisition, les Allemands ne trouveront que 12 pistolets-mitrailleurs mais quelque 594 rouleaux de dynamite

On peut s'étonner que Delécluse ait été choisi pour le stockage des armes alors que son groupe, mises à part les activités de renseignement et d'hébergement, n'a pratiquement accompli qu'une seule mission sur voie ferrée. Voici ce que dit M. Pauwels à ce sujet : " Le caractère clandestin de la lutte, les impératifs de sécurité mettaient hors de question la tenue de " fichiers " d'adhérents et cette " lacune " volontaire d'organisation outre les revendications fantaisistes en matière d'effectifs favorisait les revendications intempestives d'armes et d'explosifs.

Comme beaucoup, Delécluse ne connaît pas la phrase conventionnelle si tant est qu'il ait même eu connaissance des directives à appliquer pour la mise en route du " Plan Vert " à son échelon. Ascq d'ailleurs ne figure pas dans ce plan mais il est certain que la ligne Lille-Tournai est comprise dans la région n° 1 Somme-Escaut dudit plan. M. Paul Durand nous répond à ce sujet : " La carte 1 annexée au plan que je possède indique dans la " zone de complète interdiction, priorité 1 " les lignes de Lille à Cambrai, de Lille à Valenciennes par Orchies. Mais la gare d'Ascq n'y est pas portée nominativement. Seules d'ailleurs sont indiquées les gares possédant un dépôt important ou sièges d'installations de dispatching. Les mêmes indications figurent à la carte 2 du Plan Vert (plan d'équipement et d'exécution) ".

Cependant Delécluse qui n'est plus lié pour l'obtention d'explosifs à des impératifs de restriction ne peut rester insensible aux comptes rendus des explosions qui secouent la région et dont certaines se passent à proximité.

Le 27 mars 1944 il décide de passer à l'action. Est-ce un " essai d'entraînement "? À-t-il eu connaissance des instructions données à la Résistance de s'attaquer au matériel ferroviaire, locomotives notamment, faute de quoi la R.A.F. devrait poursuivre ses mitraillages et bombardements ? Nul ne peut le dire. L'équipe composée de Delécluse, Marlière, Gallois, Marga et Leruste, protégée par les mitraillettes de Lelong et Mangé, dépose un explosif plastique au km 7,4 de la ligne Lille-Tournai. À 22 h 45 une explosion se produit sur la voie 1 au passage du train 9861. - Voie 1 avariée. - Pilotage organisé sur voie 2. - Circulation reprise le 28 mars à 1 h 25 - Durée d'interception 2 h 45.

Le Mouvement " Voix du Nord" et le responsable du B.O.A. pour la Région A 1 n'eurent connaissance de ce sabotage qu'après son exécution.

" Lorsque j'ai eu connaissance de cette tentative, nous dit le capitaine Jean-Pierre, j'ai cherché à connaître les raisons de son échec, lequel suscitait en moi les plus vives préoccupations.

" À cette date, ma mission touchait à sa fin et j'étais dans l'attente de mon retour en Angleterre. Je ne connaissais pas le groupe d'Ascq, à l'exception de Delécluse que j'avais rencontré à Lille, peu après mon arrivée dans le Nord. Rien dans ma mission ne m'obligeait à me soucier de ses échecs, sinon que ses armes avaient été parachutées sur des terrains du B.O.A. À quoi bon risquer la vie d'équipages de la R.A.F., d'équipes du B.O.A., de radios, de transporteurs pour arriver à un tel résultat ? Je ne pouvais m'y résigner. J'étais persuadé que l'équipe de sabotage avait dû commettre quelque erreur dans la mise en place des charges explosives ou de leur mise à feu.

" Maurice Pauwels, de qui dépendait le groupe d'Ascq m'assura du contraire, ce qui ne fit qu'augmenter mes craintes. Il me fallait les " exorciser " et je proposai de profiter de ma disponibilité pour donner au groupe d'Ascq, une séance d'instruction dont je ferai profiter mes adjoints, lesquels n'avaient jusque-là participé à aucune action de ce genre.

" C'est l'origine du sabotage, exécuté par mes soins, dans la nuit du 29 au 30 mars, à mi-distance environ des gares d'Ascq et de Tressin... "

Le 29 mars 1944, peu avant l'heure du couvre-feu, arrivaient au 54 de la rue Nationale à Ascq, Maurice Pauwels, responsable du Mouvement V.D.N., Maurice Ormeray, son agent de liaison et trois membres du B.O.A. : le capitaine Jean-Pierre, alias Gramme ex Rod qui, depuis août 1943 et la réorganisation du B.O.A., est l'officier chef des opérations pour la région A, G.V... responsable B.O.A. pour le département du Nord (A4) et Maurice G,.., alias Gustave, responsable de l'Avesnois qui se trouve à Lille depuis les arrestations de Cartignies du 17 mars 1944.

Peu après venaient se joindre à eux Lelong, Marga, Gallois, Depriester, Monnet et Mangé, tous du groupe d'Ascq, réunis dans les deux uniques pièces de l'habitation de Delécluse. Ce dernier avisé de la venue d'un " officier " avait crû bon de sortir un arsenal d'engins, imprudemment installés sur la table de la cuisine.

Delécluse donna les heures de passage des derniers trains ainsi que celles des patrouilles du kommando 908 que la rumeur publique avait coutume d'assimiler à un prétexte pour raccompagnement des " belles de nuit ". En attendant l'heure propice le groupe discuta de la situation, du débarquement vraisemblablement très proche et du besoin de mener une action efficace lorsque ce dernier aura lieu afin de retarder au maximum les renforts allemands sur le terrain. Vers 23 h 30 environ les responsables B.O.A. et V.D.N. armés de P.M. ou de pistolets et nantis des charges plastiques se rendent avec Gallois vers la voie ferrée. " Jean-Pierre " ayant repéré un endroit sur la carte situé à mi-distance entre Ascq et Tressin, en pleine campagne - à cent mètres du lieu choisi aussi par le Capitaine Michel pour son sabotage du 9 juin 1943 - dispose ses explosifs protégés par les mitraillettes de " Gustave " et de Ormeray. Laissons parler le chef du B.O.A. :

" ...Les charges ayant été mises en place ainsi que le dispostif de mise à feu (pétards d'allumage, mêche rapide, détonateurs-cortex) je fis passer chacun des participants sur la voie ferrée afin de bien leur montrer la manière de procéder. J'étais occupé avec ces derniers lorsque nous fûmes surpris par l'arrivée d'un train venant de Baisieux. Les charges explosèrent quelques secondes plus tard. Nous avions tout juste eu le temps de nous écarter quelque peu du remblai. La voie ferrée fut coupée, mais, contre toute attente, la locomotive ne sortit pas des rails ".

La relation officielle de la S.N.C.F. mentionna à l'époque : 30 mars 1944 - 0 h 15 - trois mètres de rail ont sauté au passage du train 9811, km 9,1 - voie 1 obstruée - durée d'interception 6 heures.

( Cachés derrière un talus, dit M. Pauwels, nous entendîmes distinctement le halètement de la locomotive. De l'endroit où nous nous trouvions, nous vîmes distinctement la lueur de l'explosion. À travers le halètement ralenti de la locomotive arrêtée, nous entendîmes les voix des allemands descendus du convoi et cherchant probablement aux alentours. En nous dissimulant nous rejoignîmes la maison de Paul Delécluse. "

" Il ne restait plus, poursuit le capitaine Jean-Pierre, qu'à déterminer les causes possibles de cet échec, ce qui fut fait durant les heures qui suivirent. J'en voyais deux :

a) le tracé trop rectiligne de la voie ferrée

b) un certain manque d'instantanéité constaté dans le fonctionnement du dispositif de mise à feu.

Au cas où l'équipe serait amenée à procéder à des coupures de voies, le but à atteindre était d'interdire le plus longtemps possible le passage des trains, une obstruction dans un passage encaissé de manière à gêner au maximum les travaux de déblaiement.

Par ailleurs le déraillement avait les meilleures chances de succès lorsque la coupure des rails est effectuée dans une courbe, côté extérieur. Il conviendrait donc de choisir le site le plus approprié.

Le léger retard constaté dans la mise à feu pourrait être compensé par une position plus avancée des pétards d'allumage. Ce retard inexpliqué à l'époque était peut-être imputable à l'utilisation d'une mèche dite rapide, intercalée entre les pétards d'allumage et les détonateurs. Par la suite son utilisation semble avoir été abandonnée, sa vitesse de combustion étant susceptible de variations importantes suivant le degré de compensation de la poudre. "

Pendant une heure environ, ils discutèrent de cet échec puis tout étant calme, les Ascquois s'en retournèrent chez eux tandis que l'équipe V.D.N.-B.O.A. se rendait chez Mlle Cools pour y passer la nuit. À la levée du couvre-feu, ils rejoignaient Lille laissant le groupe Ascquois libre de ses initiatives.

Après les commentaires de l'insuccès de l'opération du 29 mars, l'immense majorité s'interroge sur le choix par Delécluse du km 7,150 en plein cœur du bourg alors qu'il existait sous le pont d'Hellemmes la courbe nécessaire pour le maximum d'efficacité. " Il ne peut être reproché à ce groupe, dit un responsable de groupe de combat, d'être passé à l'action dès le 27 mars 1944 mais d'avoir opéré trop près des habitations ". Si l'on compare en effet les sabotages effectués par des spécialistes - le capitaine Michel en juin 1943, le capitaine Jean-Pierre le 29 mars 1944 - on s'aperçoit que sans le savoir, ces militaires ont choisi approximativement le même lieu en rase-campagne, à un endroit où une ancienne ligne qui surplombait la voie Lille-Baisieux a laissé les vestiges encaissés d'un ancien pont et par conséquent l'espoir d'un maximum d'encombrement. Car le choix n'était jamais dicté en vue de faire peser un soupçon sur les habitants. Deux précautions régissaient les principes : éviter un lieu habité - quoique dans la région du Nord les nœuds importants soient rarement isolés - et surtout ne pas manquer le sabotage, autrement dit un déraillement total qui mettrait la troupe hors d'état de réagir.

À cette question plusieurs réponses ont été formulées. En tant que cheminot Delécluse savait que le remplacement d'un aiguillage posait plus de problèmes que celui d'un rail. En s'attaquant à ce nœud principal la situation des lieux lui permettait de penser qu'en cas d'insuccès relatif, il avait le maximum de chances de retarder le convoi n'existant que deux solutions de rechange : le retour en arrière vers Baisieux ou le détournement sur la petite voie d'Orchies. En le refoulant sur l'une de ces deux voies, c'était l'exposer à de nouveaux arrêts d'autant que les équipes de sabotage environnantes s'étaient déjà révélées efficaces. Mais il y avait aussi la nouvelle mise en application de la Garde des communications qui ne permettait plus à Delécluse de compter sur la bienveillance des garde-voies parmi lesquels se trouvaient des étrangers à la commune. La présence au poste d'aiguillage ce soir-là d'un membre du groupe devait de ce fait lui faciliter l'accès aux voies.

De la théorie à la mise en pratique des principes énoncés il existe souvent une marge d'imprévus. Si les meilleurs sabotages furent le fruit du courage des hommes et de la précision des renseignements, ils dépendaient très souvent de certaines circonstances dues au hasard. Ce hasard pouvait bien faire les choses mais aussi les aggraver comme cela se produisit à Ascq., " En mars 1944, les résistants n'avaient pas connaissance et ne pouvaient imaginer des massacres semblables à celui qui allait avoir lieu dans la nuit du 1e1 avril. Jusqu'à cette date, les représailles se limitaient le plus souvent à la prise d'otages. Ascq aura marqué la fin de cette relative clémence. "

LA NUIT SANGLANTE DU 1 AU 2 AVRIL 1944

" On ne vit pas avec les morts. On meurt avec eux ou on les fait revivre, ou bien on les oublie. "

LOUIS MARTIN-CHAUFFIER

 

La 12e S. S. Panzerdivision " Hitler Jugend ".

Avec le mois de mars la possibilité d'un débarquement sur les côtes s'avère de plus en plus probable, aussi le commandement allemand vise-t-il à rassembler un maximum de forces pour lutter contre une invasion venant de la mer. C'est dans cette intention qu'il a décidé l'envoi d'un transport en cours d'opérations (T.C.O.) au nom de code " Feuerfeder ". Quatre-vingt-deux trains - en réalité soixante-et-un - répartis en quatre séries respectives de 24, 14, 22 et 22 doivent rejoindre la région normande entre le ter et le 11 avril 1944.

Le bataillon blindé de reconnaissance de la 12e S. S. Panzer-division " Hitler Jugend cantonné au camp d'Aerschot en Belgique entre Malines et Louvain a reçu l'ordre de départ dans la première partie de 24 trains (17 de matériel blindé - 1 de transport spécial et 6 de troupes et matériel) qui doivent s'échelonner entre les ter et 4 avril par la frontière de Baisieux via Amiens Sotteville, Serquigny et Laigle pour être répartis sur différents secteurs de la Normandie. (28-71).

La 12e division S. S. naquit à l'initiative du " Reichsjugend Führer " Arthur Axmann, désireux de faire un cadeau au Führer, celui de toute une division formée de " Jeunesses hitlériennes ", volontaires un an avant leur incorporation normale. Le projet prit forme en janvier 1943 et fut approuvé par Hitler en février malgré certaines objections de Gœbbels qui craignait que la propagande adverse ne prit argument de l'engagement de garçons de 17 ans comme une preuve de l'épuisement de l'Allemagne.

La S. S. s'intéressa toujours particulièrement à la " Jeunesse Hitlérienne " dans laquelle elle voyait une possibilité parfaite de renouvellement de ses cadres et de ses effectifs car les principes régissant la " Hitler Jugend " s'apparentaient de très près à ceux de la Waffen S. S. La sportivité intense de ces unités était une cause importante de leur popularité. Le fait de faire du sport au lieu d'un abrutissant entraînement " à la prussienne " souriait à ces jeunes élevés par leur organisation dans le culte du sport. Hitler n'avait-il pas voulu que la jeunesse allemande ait " la dureté de l'acier et la vigueur du loup " ? Leur devise " Croire, Combattre, Vaincre " était identique aux mots d'ordre de Himmler à ses S. S. : " Obéir, Croire, Combattre ". Dans ces deux organisations on retrouve l'accent mis sur la promotion de la jeunesse, la volonté de construire un monde nouveau fondé sur la camaraderie et le. socialisme, l'absence de formalisme dans les rapports entre supérieurs et subordonnés joints à une discipline totale dans l'action.

La formation de la 12e S. S. Panzerdivision " Hitler Jugend " fut officiellement commencée le 24 juin 1943 et vers le milieu de l'été, dix mille " Hitler Jugend " et un millier d'hommes de la " Leibstandarte Adolf Hitler " arrivèrent à Beverloo en Belgique. Elle se composait du 12e Régiment de Panzer " Hitler Jugend " et de deux régiments motorisés, la 25e S. S. et la 26e S. S. À sa tête avait été nommé le jeune Oberführer Witt, 35 ans, 2 de la L.A.H. qui devint alors S. S. Brigadeführer. Un grand nombre des officiers provenaient des " Bannführer " (Chefs de centaine) de la " Jeunesse Hitlérienne " ainsi qu'une très forte proportion de soldats lorsque le recrutement était essentiellement volontaire. Mais ce volontariat fut bientôt jugé insuffisant et beaucoup de " Jeunesse Hitlérienne " furent versés d'office dans la Waffen S. S. L'âge moyen de la division, officiers compris, était de 19 ans.

-Du fait de leur recrutement, des sévères critères d'admission, de l'entraînement forcené, des constantes déclarations des chefs S. S., les Waffen S. S. se considéraient comme faisant partie d'une sorte de corps d'élite. Mais outre cette attitude, la fierté de leurs uniformes spéciaux, leurs chants particuliers, l'habitude de ne pas saluer les supérieurs s'ils ne sont pas membres de la S. S., les chefs de ces troupes essayaient d'ajouter à une attitude égale-ment partagée par certaines armes de la Wehrmacht - blindés ou parachutistes - une volonté de création d'une nouvelle chevalerie, copiée à la fois sur les Chevaliers Teutoniques et sur la caste des Samouraïs Japonais.

Sur le train 649.355 (9872 n° français) ont pris place les éléments du bataillon blindé de reconnaissance de la 12e S. S. Panzer-division : Ire compagnie d'automitrailleuses commandée par le sous-lieutenant Kudocke (en remplacement du lieutenant Hausmann) ; 2e compagnie de chars de reconnaissance commandée par le lieutenant Hauck ; 3e compagnie d'infanterie sur chars légers de transport commandée par le sous-lieutenant Hauer et l'adjudant-chef Sturm (en remplacement du lieutenant Keuc) ; l'État-Major du bataillon avec le groupe des agents de liaison, ordonnances etc... sous les ordres du sergent Stun, soit un effectif de plus de 400 soldats avec environ 60 blindés et véhicules. Parmi les Waffen S. S. se seraient trouvés une dizaine de volontaires russes (65) et au moins deux interprètes alsaciens de Colmar (63).

Le chef du bataillon, le commandant Olbœter avait nommé les responsables du transport : chef de convoi : lieutenant Hauck de la 2e compagnie; officier de transport : sous-lieutenant Kudocke de la 1re compagnie ; officier de service : adjudant-aspirant Jura de la 2e compagnie ; les chefs de compagnie responsables de leur compagnie et des gardes.

En prenant le commandement du convoi, le lieutenant Hauck, 26 ans, selon les instructions reçues lors de la réunion des chefs de train chez le général Witt, commandant la division, " instruit tous les officiers, sous-officiers et hommes de troupe sur les consignes à tenir en chemin de fer et plus spécialement dans les événements spéciaux ". Sachant en effet que les transports passaient sur des territoires où la Résistance était active, l'ordre avait été donné de " renforcer les gardes et de tâcher de passer vite et sans accident, dans tous les cas conduire sains et saufs soldats et matériel au nouvel emplacement ". En cas d'attaques " c'en est fini des simples rapports " il faut agir selon l'Ordonnance I. C. n° 2 du General-Feldmarchal Speerle :

QUARTIER GÉNÉRAL

Extrait des affaires secrètes du Commandement 69-44

LE COMMANDANT EN CHEF DES FORCES DE L'OUEST
I.C. n° 2 - 27 février 1944 - G kdos

Ordonnance concernant la lutte contre les terroristes.

1° - Il faut riposter de suite avec les armes à feu ; s'il arrive que soient frappés des innocents, le fait est regrettable mais il n'est imputable qu'aux terroristes.

2° - Cerner immédiatement le lieu de l'attentat et contrôler tous les civils se trouvant dans les parages sans distinction de la personne et du rang.

3° - Incendier immédiatement les maisons d'où sont partis les coups de feu.

Seulement après l'exécution de ces mesures ou de mesures semblables immédiates, un rapport sera transmis au commandement militaire et au service de sécurité qui doivent continuer l'affaire avec la même sévérité.

4° - La décision et la rapidité avec lesquelles agira le chef de troupe sont de toute première importance. S'il agit avec mollesse et indécision, il sera puni très sévèrement parce qu'il met en danger la sécurité des troupes placées sous ses ordres ainsi que le respect dû à l'armée du Reich.

5° - En raison de la situation actuelle, des mesures trop rigoureuses ne peuvent être soumises à sanction.

Le commandant en chef des Forces de l'Ouest

p.o.: signé SPEERLE General-Feldmarchal.

Avant le départ du train, le lieutenant Hauck s'assure des mesures de sécurité : " La garde est assurée par deux groupes de dix-huit hommes renforcés de nuit par huit hommes chacun. La protection aérienne est assurée par 5 canons de 2 cm et toutes les mitrailleuses de bord des automitrailleuses du train ". Il ordonne par ailleurs que " les cinq wagons suivant la locomotive ne seront pas occupés par la troupe. La moitié de l'effectif du transport demeurera sur les véhicules automobiles afin de pouvoir être prêts à entrer en action à tout instant, la seconde moitié sera dans les wagons destinés aux hommes de troupe. Les chefs de train voyageront dans son compartiment. "

Toutes les précautions ainsi prises, le convoi peut s'ébranler à travers la Belgique vers sa nouvelle destination.

Ascq – 1er avril 1944.

Un soleil tout rouge s'est levé sur cette aube de printemps qui depuis quelques jours cisèle aux arbres dénudés les premiers bourgeons. Le début de germination prélude au renouveau de la nature et annonce la vie.

La période de carême tire à sa fin mais dans beaucoup de foyers l'effort de restriction est passé inaperçu. Les vieux se souviennent avec amertume du temps où la coutume voulait que les bouchers promènent le jeudi saint dans le village la plus belle bête grasse qu'ils avaient achetée pour la débiter à Pâques. Toute enrubannée, elle faisait quelques stations à la porte des cabarets tandis que le nouveau propriétaire arrosait copieusement son acquisition. Où est ce bon vieux temps ! La viande est rationnée et les alcools se vendent au marché noir. Même la pipe, consolation des résignés, reste froide plus souvent qu'à son tour. La carte ne permet plus de toucher que deux décades par mois c'est-à-dire quatre paquets de cigarettes ou deux de tabac.

C'est aujourd'hui samedi, veille de la fête des Rameaux. Du propriétaire à l'humble ouvrier chacun cueille le buis qui sera béni le lendemain et placé à chaque crucifix dans les maisons, les étables, les granges et les ateliers comme le veut la tradition encore solidement ancrée. Sur le trottoir, entre deux coups de balai, les ménagères commentent la situation avec les passants. Des événements proches délient les langues. Ces deux sabotages, à moins de 48 heures d'intervalle, ne sont pas sans émouvoir la population qui pressent de graves répercussions si ces manifestations continuent. À deux reprises la Feldgendarmerie est descendue sur les lieux et devant les soldats du kommando 908 au garde-à-vous, certains ont mesuré la sévérité animant les autorités allemandes de Lille. Avant-hier le brave garde-champêtre, Émile Decourcelle, conversait avec son voisin Léon Chuffart sur le chemin du passage à niveau quand il a vu l'aréopage allemand, en grande discussion. Instinctivement tous deux ont reculé pour se réfugier sous la porte charretière de la ferme Longuépée. Désabusé le garde a murmuré : " Cette fois " ils " ont dépassé les bornes, demain ce sera notre tour ! ". Hier encore, Gaston Chrétien, de la Ligue Ouvrière Française, a réuni chez lui ses adhérents pour protester contre ces deux sabotages rapprochés qui attirent l'attention sur le village. " Ils " devraient s'en rendre compte ! " Ils "... Bien sûr on soupçonne les auteurs. Les résistants se sont déjà manifestés. En 1942 la Gestapo a arrêté Henria et Kléber Wacquez. Un wagon de lin a brûlé en gare il y a trois mois. Une enquête a été ouverte à la suite du déplombage d'un wagon de munitions. Beaucoup redoutent les ennuis alors que les événements militent en faveur d'une libération prochaine. Léon Dewailly appartenant avec Gaston Baratte à cette immense pléiade de Français qui, sans prendre une part tapageuse à la lutte clandestine, ne cessèrent de déployer les ressources de leur intelligence et de leur dynamisme dans les formes les plus diverses de résistance à l'ennemi, s'indigne de l'action armée à un moment encore prématuré. Depuis 1940 il travaille au rapatriement des Anglais en collaboration avec le docteur Trinquet de Hem. Il a créé son propre relais à Vouvray dans une propriété qui lui appartient. Un de ses ouvriers, Wuysman, n'est pas revenu de sa mission sur Bordeaux et il vient d'apprendre que les aviateurs allaient être transférés sur Lille pour y être interrogés sur les personnes qui leur portaient aide. En 1943 il a pris comme ouvriers de son entreprise, les deux architectes hollandais chargés par l'Intelligence Service de faire le relevé des champs d'aviation de Wevelghem, Merville et Lesquin. Entrepreneur de couverture, il a conclu des marchés avec les Allemands pour obtenir celui de Lesquin, conduisant lui-même son équipe d'ouvriers " spécialisés ". Il n'est pas sûr aujourd'hui des auteurs de ces deux sabotages de la semaine, sinon il irait les trouver pour leur dire ce qu'il pense de l'action armée car il sait où il faut frapper au moment opportun.

Et pourtant le 31 mars, Delécluse qui avait reçu de Leveau, employé à la mairie d'Ascq, un billet sur lequel étaient notées les heures de passage des garde-voies, avait tenu chez lui une brève réunion avec les responsables d'équipes au cours de laquelle Marga lui communiqua un renseignement reçu de l'aiguilleur André Olivier. Dans la nuit du 1er au 2 avril, après le passage de l'express Bruxelles-Lille de 22 h 30, un transport militaire est prévu en direction de Lille. Si une action était envisagée, le délai d'exécution serait minime mais la présence d'Olivier ce soir-là au poste d'aiguillage pourrait faciliter l'accès aux voies. La nature du convoi est totalement inconnue. Il doit s'agir d'un transport ordinaire comme il en passe quotidiennement, vraisemblablement du matériel ou des marchandises à destination des côtes.

 

Lire le texte integral sur http://beaucoudray.free.fr/ascq2.htm

 

 

Une version existe sur WIKIPEDIA   http://www.villeneuvedascq.fr/ascq/massacre.htm

En 1943, les actions de la Résistance s'intensifient. Elles visent à tester les réactions de l'ennemi, à le démoraliser et à vérifier les capacités de lui nuire. On espère alors le débarquement décisif des Alliés.

A Ascq, Paul Delécluse a d'abord rejoint le réseau de renseignement "Alliance". Il est également proche du réseau socialiste "Libé Nord".
A la fin de 1943, il se rapproche du mouvement "Voix du Nord" avec lequel il forme un groupe d'action résistante à Ascq. Des armes parachutées dans l'Avesnois sont stockées en février 1944 chez un membre du réseau, Mademoiselle Cools, à Ascq. Les 27 et 30 mars 1944, le groupe d'Ascq effectue des sabotages de la voie ferrée Lille-Bruxelles près d'Ascq. Le 30 mars, c'est l'officier responsable des parachutages de la région Nord, le capitaine Jean-Pierre, qui vient faire une démonstration de l'utilisation des explosifs pour les résistants d'Ascq. L'opération n'a pas été vraiment réussie.

 


Exemple de sabotage de voie ferrée à l'aide d'une charge explosive.

 

Paul Delécluse et ses camarades cheminots savaient que le sabotage d'un aiguillage était plus efficace. Son remplacement devait retarder plus longtemps le trafic.

Un membre du réseau se trouvant en service au poste d'aiguillage le samedi soir 1er avril, un nouveau sabotage fut décidé. La charge fut placée à l'entrée de la gare, près de la rue principale d'Ascq.

La 12ème division blindée " Hitlerjugend ", récemment formée de jeunes nazis fanatisés, a été entraînée en Belgique. Elle a reçu l'ordre de Hitler de renforcer la défense de la Manche. Le premier convoi transportant des blindés légers est commandée par le lieutenant Hauck, âgé de 26 ans. Il a sous ses ordres 400 hommes dont les plus jeunes ont 17 ans.


Ils se rendent en Normandie. Ils ont reçu les ordres du général Speerle, commandant en chef des troupes allemandes de l'Ouest concernant la lutte contre les "terroristes" : "En premier lieu, il faut riposter par les armes (si des innocents sont victimes, c'est regrettable, mais c'est la faute des terroristes). Aussitôt, il faut cerner le lieu de l'attentat et contrôler les civils sans distinction. Il faut immédiatement incendier les habitations d'où sont partis les coups de feu..."

A la frontière de Baisieux, le lieutenant Hauck décide de faire passer son train militaire après l'express Bruxelles-Lille. Son convoi remplace un train de marchandises qui est annoncé pour 22h44 en gare d'Ascq. Le convoi allemand entre à petite vitesse en gare d'Ascq. Une explosion se produit au passage de la locomotive. La machine s'immobilise face à la cabine d'aiguillage près du passage à niveau de la rue principale du village (rue Gaston Baratte). Trois wagons chargés de véhicules légers sont sortis des rails. Les dégâts sont minimes, mais le convoi est bloqué. Un quart d'heure après l'explosion, le lieutenant Hauck rassemble une partie des hommes de la division Hitlerjugend. Les ordres sont stricts, les consignes du général Speerle en cas d'événements spéciaux sont appliquées. Les SS divisés en commandos sont chargés de rassembler la population du village sur la voie ferrée.
Ensuite, il fut ordonné de n'amener que "les hommes de 15 à 50 ans" sur les voies pour "réparer les dégâts". Les Asquois ont été réveillés par l'explosion. Ils sont alertés par le tapage des coups frappés par les SS, des portes sont enfoncées pour chercher les hommes. Des coups de feu tirés dans les rues, l'odeur de la poudre laissent croire qu'un combat s'y déroule entre les Allemands et les "terroristes" (les résistants).

Des hommes, des voisins, encadrés de SS passent dans la rue, certains en pantoufles, d'autres pieds nus, quelques uns sont encore en pyjama, d'autres ont eu le temps d'enfiler un pantalon ou un pardessus. Certains ont été frappés, battus. D'autres, qu'on découvrira le lendemain, ont été abattus dans la rue. L'abbé Gilleron et les réfugiés d'Hellemmes qu'il hébergeait ont été fusillés dans le presbytère. Quant à l'abbé Cousin, le jeune et dynamique vicaire, il a été massacré dans la rue parce qu'il voulait empêcher les SS de battre son voisin. Malgré la confusion, les hommes marchent vers le lieu de rassemblement qui leur a été signifié. Les jeunes SS leur ont dit qu'ils étaient réquisitionnés pour la réparation de la voie ferrée. La conscience tranquille, ils ne songent pas à profiter de l'obscurité pour se cacher dans les nombreuses ruelles d'Ascq. Ce sont des civils innocents.

 

A la gare, Hauck malmène Monsieur Carré, le chef de gare et Elie Derache, le facteur enregistrant. Après avoir tiré sur eux, il les laisse pour morts. De retour au passage à niveau, il ordonne les exécutions. Un premier peloton d'hommes et de femmes venant des abords de la voie ferrée est poussé à coups de crosses de fusils vers le lieu d'exécution. Les SS abattent les hommes les uns après les autres et renvoient les femmes.

Un second puis un troisième pelotons sont amenés le long de la voie. Aux ordres, les fusils et les mitrailleuses fusillent les Ascquois. Un gradé achève d'un coup de revolver les mourants qui gisent à terre. Quelques hommes pourtant réchapperont du massacre. Certains ont essayé de s'enfuir à la faveur de l'obscurité. Mais le lieutenant Hauck a chargé un commando d'abattre les fuyards à revers depuis une maison isolée, la maison Roseau.

Un quatrième peloton d'une quarantaine d'hommes comprend le maire d'Ascq. Il parlemente en allemand au passage à niveau. Les coups de sifflet de la Feldgendarmerie font cesser les tirs. Les représailles des SS de la 12ème SS Hitlerjugend s'arrêtent. Les soldats de la Wehrmacht, détachés à Ascq depuis le début de la guerre, ont essuyé les tirs des SS. Mais ils ont pu prévenir les autorités supérieures allemandes à Lille. Le facteur enregistrant de la gare d'Ascq, Elie Derache, a aussi sans cesse télégraphié à Lille pour demander du secours. La Feldgendarmerie arrivée sur place a pu limiter la répression militaire.

Cependant, 86 civils ont péri, quelques uns étaient des résistants, d'autres pas. Le matin des Rameaux, les Ascquois découvrent l'ampleur du massacre. Malgré le blocus du village par l'occupant, la nouvelle se transmet rapidement dans la métropole lilloise.

L'Oberfeldkommandant de Lille, le général Bertram, veut publier un "Avis" qui accuse les Ascquois. Les journalistes refusent de le faire paraître. Ils y sont contraints par la force. Le "Réveil du Nord" publie dans la rubrique "état civil" la liste des 86 noms des fusillés d'Ascq. Pierre Briet avait 75 ans, Jean Roques, 15 ans à peine. La rumeur du massacre provoque une profonde émotion dans la région.

 


Le Cardinal Lienat bénit les victimes sous les regards de la foule lors des funérailles des 86 victimes.

 

Une foule énorme, 15 à 20 000 personnes, témoigne sa sympathie aux victimes, aux veuves et aux orphelins lors des funérailles, le 5 avril.
Radio Londres, par la voix de Maurice Schumann, relate le drame dès le 15 avril. Les tracts et les journaux de la résistance dénoncent le massacre des civils d'Ascq. Les résistants d'Ascq sont arrêtés avec la complicité d'un agent du contre-espionnage allemand, Marcel Dénèque.

Le tribunal militaire allemand les condamne à mort. La peine de Mademoiselle Jeanne Cools est transformée en détention à perpétuité.

Le 7 juin 1944, les six résistants d'Ascq dont Paul DELECLUSE sont fusillés au Fort de Seclin. C'était le lendemain du Débarquement de Normandie.

 

 


Plaque hommage aux fusillés du 7 juin 1944.



11/04/2009
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